UNE ÉCONOMIE INDIENNE DE PLUS EN PLUS INTERNATIONALE

En 3ème position du classement des hommes les plus riches du monde, Gautam Adani, avec 121 milliards de dollars, est passé en mars 2022 devant Jeff Bezos et Bill Gates. Il n’est ni Européen, ni Américain, ni Chinois, ni Russe, mais Indien. L’Inde, que le premier ministre Narendra Modi qualifie de plus grande démocratie au monde, est le 3ème pays qui abrite le plus de milliardaires, derrière les USA et la Chine, avec 166 fortunés contre 9 dans les années 2000. Si l’expression de « miracle chinois » est entrée dans les glossaires, celle de « miracle indien » y a tout autant sa place. L’Inde comptabilise aujourd’hui 578% de croissance depuis 20 ans contre 127% pour les USA ou 116% pour la France, et il est prévu qu’elle dépasse la Chine en fin d’année prochaine selon la Coface. L’Inde s’élève maintenant au rang de superpuissance industrielle, nucléaire et commerciale, et revendique un rôle majeur en Asie comme sur l’échiquier mondial. Le pays s’est peu à peu défait de la pauvreté, de la corruption, de l’illettrisme, et du système de caste vecteur d’inégalités ces 30 dernières années.

Il s’agit de la 5ème puissance économique mondiale, le deuxième pays le plus peuplé, et la 4ème puissance militaire mondiale, pivot de l’alliance émergente des BRICS, et ses usines « couteau suisse » de ressources naturelles, ont permis à son économie de s’ouvrir, et de s’envoler.

DES PROGRÈS FULGURANTS

Il y a 30 ans, l’Inde n’était que la 15ème puissance économique mondiale. Aujourd’hui, il est prévu qu’elle dépasse l’Allemagne d’ici 2027. Et alors qu’elle comptabilise 6,8% de croissance en 2022, et qu’elle prévoit 6% de croissance pour 2023, les USA, la Chine, l’Europe, et 1/3 des pays de la planète sont sur le point d’entrer en récession selon la directrice du FMI Kristalina Georgieva. Le nombre d’Indiens pauvres s’est effondré, passant de 45% en 1993 à 7% en 2021, et 56% des ménages indiens constituent maintenant une classe moyenne. C’est aujourd’hui le 4ème plus gros producteur agricole au monde, le 2ème de blé et de canne à sucre.

LA CROISSANCE ÉCLAIR

Les mesures protectionnistes pour favoriser les activités nationales mises en places après l’indépendance de 1947 ont appuyé le modèle économique socialiste jusqu’aux années 1990, jusqu’à ce que le ministre de l’économie Manmohan Singh, du gouvernement de Narasimah Rao, introduise un vent de libéralisme en se détournant des entreprises nationales, en repensant le système bancaire, et en développant les industries lourdes et les centrales électriques. Les Indiens, dont 94% ont aujourd’hui accès à l’électricité contre 70% en 2007, bénéficient de subventions et d’une assurance chômage. Par ailleurs, le programme digital India entreprend de transformer le pays en pôle technologique majeur dans les domaines de la médecine, de la pharmacie et de l’informatique. En moins de 30 ans, le niveau de vie a explosé, atteignant fin 2022, 1.500 milliards de dollars dépensés à l’année. A cette demande s’ajoutent les mesures libérales et la valorisation des capitaux privés. Voici donc la formule qui a propulsé les Indiens dans la tête de liste du classement Forbes.

L’INTERNATIONALISATION DE L’ÉCONOMIE INDIENNE

L’Inde de 2023 est reconnue comme pionnière en termes de production pharmaceutique, un secteur dont on s’attend à ce qu’il double d’ici 2030 pour atteindre 120 milliards de dollars, notamment soutenu par la forte demande intérieure. Pourtant, sa balance commerciale est strictement déficitaire depuis des années, avec 175 milliards de dollars en 2023, dont 80% destinés à couvrir ses besoins en énergie. Narendra Modi a mis en place plusieurs lois pour attirer les investissements étrangers. Il souhaite négocier des accords de libre-échange avec l’Europe tout en gardant la ligne directrice du made in India, qu’il applique dans les négociations en cours avec Airbus et Rafale. Actuellement, 60% des importations indiennes sont constituées de pétrole, de GPL, de charbon, d’or et de diamant venant de Chine, des Etats-Unis, des Émirats Arabes Unis, de Suisse… et de la Russie. Depuis l’année dernière, l’Inde a intensifié ses échanges avec son nouveau partenaire en profitant de la crise pétrolière et en dépit de l’embargo, en vertu d’un traité datant de 1971 qui la lie à l’ex-URSS. Elle est devenue le plus gros acheteur de pétrole russe, qui est passé de 1% à 18% en un an dans les stations-essence indiennes.

POLITIQUE INDIENNE, NEUTRALITÉ OU AMBIGUÏTÉ ?

Refusant de prendre parti dans la rivalité sino-américaine, le gouvernement indien n’a pas non plus pris position dans le conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine et à l’OTAN, et à même à cœur de rester le plus neutre possible, tout en se montrant défavorable aux sanctions économiques imposées par l’Occident. Grâce à son habileté diplomatique, elle parvient à conserver des relations stables avec les Etats-Unis, qui sont d’ailleurs ses premiers clients. Membre de l’ONU, de l’OMC, du FMI, du Commonwealth et du G20, l’Inde négocie avec le Mercosur et a signé des dizaines d’accords de libre-échange avec le monde entier.

LES GÉANTS INDIENS

A la tête des plus grandes sociétés indiennes cotées en bourse, on retrouve le groupe Reliance Industries, leader de la production de polyester mondiale, avec 342.000 salariés et qui pèse l’équivalent de 176 milliards de dollars. Dans le secteur des services, les 488.00 consultants de l’entreprise Tata Consulting présents dans 46 pays et 335.000 ingénieurs de la société Infosys participent à l’image de « prestige indien » à l’étranger. Du côté des entreprises étrangères, la branche indienne de l’entreprise britannique Hindustan Unilever, par exemple, a vu ses actions grimper de 85% en 5 ans.

UN CONCURRENT DIRECT DE LA CHINE ?

Les professionnels s’accordent à dire que l’Inde reste une source sûre pour les investisseurs. Elle est loin d’avoir achevé son développement et sa marge de progression est grande. Avec ses importations de pétrole et de gaz russes, elle représente de plus en plus une alternative à la Chine, qui elle, ralentit plus brutalement. L’Inde cherche à profiter des difficultés de Pékin, dont sa politique zéro Covid. Alors qu’elle est devenue le premier fabricant de vaccins au monde en produisant l’AstraZeneca, elle offre une main d’œuvre plus avantageuse qu’en Chine (environ 5 fois moins chère) et joue de sa neutralité pour attirer les industries et les usines sous-traitantes. Dans cette logique, l’usine Foxconn qui fournit Apple, envisage d’y produire son IPhone 14, et les usines de semi-conducteurs et les industries pharmaceutiques abondent depuis les années 2010. Par ailleurs, la population indienne est bien formée et éduquée, avec un taux d’alphabétisation passé en 30 ans de 60% à 92%. 1,5 millions d’ingénieurs sortent des universités indiennes chaque année, que l’on retrouve parfois à la tête de multinationales. Sundar Pinchai dirige Alphabet, la maison-mère de Google, et Arvind Krishna est le patron d’IBM. Par ailleurs, les 28 millions d’Indiens que compte la diaspora envoient plus de 90 milliards de dollars par an envoyés au pays.

UNE INDE DES TRADITIONS

Dans le pays, 70% des emplois sont informels, sans contrat ni législation, et bien que des Indiennes se soient hissées au titre de milliardaires comme Akshata Murty ou Falguni Nayar, première à diriger une licorne, ces sociétés valorisées à plus d’un milliard de dollars, le sort des femmes, dont seulement 59,3% savent lire, reste une question problématique. Par ailleurs, le système de castes hiérarchise la société en 5 rangs (prêtres, guerriers, commerçants, serviteurs, et intouchables) qui sont associées à des métiers et déterminent les conditions d’accès aux logements, au service bancaire ou au marché du travail, et entrave sinon n’empêche l’ascension sociale.

LES DÉFIS INDIENS

Malgré ces progrès, l’Inde se retrouve face à plusieurs difficultés qui ralentissent son développement économique. A la lourdeur bureaucratique s’ajoute le manque d’infrastructures routières et ferroviaires essentielles au transport des marchandises sur son territoire. Les inégalités restent flagrantes au regard des 100 Indiens les plus riches du pays qui possèdent autant que les 600 millions les plus pauvres. Le monde agricole est aussi marqué par des manifestations depuis presque 1 an pour protester contre les réformes de libéralisation de l’agriculture. Les paysans venus de toutes les régions ont bloqué les portes de grandes villes comme New Delhi pendant plusieurs mois. 2ème consommateur consommateur de charbon au monde et 3ème émetteur de carbone, malgré ses promesses le premier ministre Modi malgré ne semble faire de l’enjeu climatique une de ses priorités que lorsque les périodes d’élections approchent.