L’ÉMERGENCE DE L’ACTEUR INDONESIEN DANS LES RELATIONS INTERNAITONALE

Il y a trois mois de cela, la rencontre entre Joe Biden et Xi Jinping avait lieu lors du G20. À cette occasion, le président indonésien Joko Widodo affirmait sa volonté de jouer un rôle de médiation face au « risque d’une nouvelle guerre froide ». Avant l’incident des ballons chinois survolant le ciel américain, l’Indonésie alarmait sur le risque de « diviser le monde en plusieurs camps ». Une déclaration intéressante pour ce pays à la jonction des océans indien et pacifique, point de passage inévitable pour les grandes routes commerciales reliant l’Inde et la Chine, notamment le détroit de Malacca, par lequel transitent plus des 2/3 du transport maritime de pétrole et de gaz

Ayant décidé de construire sa nouvelle capitale « Nusantara » sur l’île de Bornéo, l’archipel voyait Jakarta, sa capitale actuelle, saturée par les inondations dues au réchauffement climatique, la pollution et le nombre croissant d’habitants. Devenue une démocratie, certes imparfaite, après des années de dictatures, l’Indonésie est parvenue à endiguer la menace islamiste, à profiter de sa position stratégique, et peut se vanter de jouir d’une des économies les plus dynamiques de la région. Plus grand pays de l’Asie du Sud Est, le plus grand archipel du monde compte plus de 16.000 îles, 1,9 millions de kilomètres carrés, et 270 millions d’habitants.

UN DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET URBAIN

C’est sous l’impulsion de l’ancien président Soeharto, dans les années 1970, que le pays se rapproche des puissances occidentales pour attirer des capitaux afin de développer ses infrastructures. L’économie du pays est principalement basée sur l’exploitation des ressources en pétrole, en gaz, et surtout en charbon, dont le pays est le deuxième exportateur mondial derrière les Etats-Unis. Son économie se base aussi sur le tourisme, qui représente 5% du PIB, sur le contrôle partagé du détroit de Malaca avec la Malaisie, Singapour, et la Thaïlande, et sur l’exploitation des zones de développement économique qui lie l’Indonésie à ses voisins précédemment cités, sans compter Brunei, et les Philippines. En exploitant et en exportant ses ressource, l’Indonésie s’érige à la première place en termes de PIB au sein de l’ASEAN et à la 10ème place au niveau mondial. Avec un taux de croissance de plus de 5% depuis 2013, il est le seul pays d’Asie du Sud-Est membre du G20. Du fait de l’importance de sa population, son PIB par habitant annuel n’est que de 12. 300$ américains, encore loin derrière ses voisins.

Cette montée en puissance de l’économie indonésienne s’est accompagnée d’une très forte urbanisation au cours des dernières années : 57% de citadins en 2019 contre 14,8% en 1961. Cette urbanisaiton est l’une des causes des nombreux problèmes environnementaux auxquels l’Indonésie doit faire face et qui pourraient, à terme, la fragiliser.

LA MENACE CHINOISE

Mais à ces enjeux environnementaux, s’ajoutent des inquiétudes d’ordre géopolitiques. Son grand voisin, la Chine, a massivement investi dans le pays dans le cadre de son projet de nouvelles routes de la soie, dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la recherche, de l’industrie, de l’immobilier, et des infrastructures énergétiques et de transport, ce qui en fait son premier partenaire commercial et le 3ème investisseur. Mais face à cette position dominante chinoise se fait aussi ressentir dans l’espace maritime indonésien, où XI Jinping revendique des droits sur l’archipel de Natuna, un espace poissonneux qui possède l’un des plus grands champs de gaz naturel de la région. Inquiètes des incursions régulières des navires chinois dans leur territoire maritime, les autortiés indonésiennes ont renforcé leur surveillance, mais aussi leur base militaires dans la région.

CHANTRE DU MULTILATERALISME AU SEIN DE L’ASEAN

 Plus menacée qu’aidée, l’Indonésie, qui refusait de choisir son camp sur l’échiquier indopacifique, diversifie alors ses alliances, notamment par la commande, début 2022, d’avions de combats Rafale à la France. A la tête de l’ASEAN depuis le 1er janvier 2023, il semble de plus en plus claire que l’Archipel souhaite marquer sa présidence par un ferme engagement à défendre le régionalisme et le multilatéralisme. Ses réunions ont souligné l’importance d’adhérer aux principes clés, aux valeurs partagées et aux normes consacrées dans la Charte des Nations Unies, la Charte de l’ASEAN, la Déclaration sur la zone de paix, de liberté et de neutralité (ZOPFAN), le Traité d’amitié et de coopération en Asie du Sud-Est (TAC), la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) de 1982, le Traité sur la zone exempte d’armes nucléaires de l’Asie du Sud-Est (SEANWFZ), la Déclaration de 2011 sur le Sommet de l’Asie de l’Est sur les principes de relations mutuellement bénéfiques et l’ASEAN Perspectives sur l’Indopacifique. Un engagement important a aussi été réaffirmé pour préserver la région de l’Asie du Sud-Est en tant que zone exempte d’armes nucléaires et exempte de toutes les autres armes de destruction massive afin de sauvegarder la paix et la sécurité dans la région.

DES AMBITIONS DE MEDIATION SUR L’ECHIQUIER REGIONAL

Plus grand pays musulman en au monde et grande puissance en devenir, elle est à l’intersection des mondes dans cette région de l’Indo Pacifique où se joue désormais une grande partie de la rivalité sino-américaine pour le leadership mondial. Avec le G20, l’Indonésie concrétise ses ambitions de jouer un rôle de médiation diplomatique comme elle le fait déjà dans le conflit birman ou Jakarta soutient les pro-démocrates de Birmanie et limite les livraisons d’armes au régime qui a renversé Aung San Suu Kyi. L’Asie du Sud-Est devrait devenir le centre de la croissance économique régionale et un moteur de la croissance mondiale grâce à une coopération solide, notamment dans les secteurs de l’alimentation, de l’énergie, de la santé et de la finance, et ce avec l’Indonésie à la tête de sa plus importante organisation.