Avec 2,8 millions d’habitants pour une superficie de moins de 12.000 km2, à peine plus grand qu’un département français, le Qatar, dont la capitale Doha abrite plus de la moitié de la population, programme des investissements massifs dans le secteur des hydrocarbures.
GAZ ET PÉTROLE
Le pays découvre le pétrole dans les années 40 et commence à l’exploiter une dizaine d’années après. Mais c’est surtout la découverte du gaz, à la fin du XXème siècle et la nationalisation des gisements du pays (1974), qui fera passer le Qatar de pays pauvre à pays riche. Proportionnellement, l’un des plus riches du monde (3ème plus riche en PIB / hab – 94k $ ).
Les hydrocarbures représentent environ 39% du PIB, 87% des exportations (soit 42 Md$ dont 75% provenant du gaz) et 78% des recettes budgétaires.
Si les réserves de pétrole du Qatar sont relativement faibles (1,5% des réserves mondiales), les réserves de gaz qataries sont extrêmement importantes. Le Qatar est le 5ème producteur de gaz naturel (4,5% de la production mondiale en 2020), derrière les Etats-Unis, la Russie, l’Iran et la Chine.
La recette du succès économique qatari reposes surtout sur la filière « gaz naturel liquéfié » (GNL) dont il est le 1er producteur mondial ; un processus dont il possède les capacités les plus importantes, qui consiste à refroidir le gaz a 163° et réduire ainsi son volume de 600 fois. Grâce à sa situation géographique péninsulaire, propice au commerce par voie maritime, le complexe industrialo-gazier de Rasafan (300km2) liquéfie le gaz et l’envoie par la mère avant qu’il soit regazéifié une fois à destination.
DE RICHES SOUS-SOLS, UN CADEAU EMPOISONNÉ DE DAME NATURE
Malgré cette immense richesse liée aux matières premières, la société du pays pétrolier est confrontée à plusieurs enjeux. Par sa faible densité de population, le Qatar exporte la majorité de ses ressources pétrolières et en tire de grands bénéfices. Le train de vie des citoyens Qatari (12% de la pop) s’en voit ralenti, et la distribution des revenus fréquemment appliquée dans une logique d’économie de rente, mène à l’explosion de bulles de prix, à un affaiblissement de la recherche d’emplois peu qualifiés, et enfin à la précarité sociale de la main d’œuvre venue d’ailleurs qui constitue 88% de la population.
Il est aussi possible d’établir un lien entre l’économie de rente et la soumission de la société à l’instauration et à l’application d’un système plus ou moins autoritaire. La fiscalité, le quadrillage policier, les dynamiques de corruptions, et l’achat de la paix sociale dans les pays du golfe en 2011 que les fond de l’état nourrissent sont de bons exemples.
Au niveau national, nombreuses sont les contraintes et les menaces liées à la richesse du sous-sol. Les ingérences politiques et militaires des puissances régionales ou mondiales convoitant ces « terres fertiles » mènent aussi à réfléchir aux réels bénéfices d’un sous-sol riche. Au lendemain de la création des états (1925), c’est bien pour les gisements récemment découverts que les Britanniques accaparent la région de Mossoul que les accords de Sykes-Picot avaient attribué à la France. L’Arabie Saoudite cherche absolument à garder un droit de contrôle sur la minorité chiite du Hasa pour ses réserves en hydrocarbures. En 1990, le Koweït est avant tout menacé et convoité pour son potentiel pétrolier, et l’on sent facilement, dans guerre en Irak, à son tour envahi par les USA (2003), l’odeur de pétrole à peine camouflée par le prétexte des « armes de destruction massives ».
Bien que l’aura politique qatarie, qui sera expliquée dans quelque lignes, le protège de (presque) toutes les ingérences, la dépendance économique et politique guette les pays pétroliers, contraints d’investir la majorité de leur ressource dans un secteur dont la vitalité s’essouffle à grand pas. L’Algérie par exemple, dont 42% du PIB relève du secteur secondaire, bondis de plusieurs décennies dans le passé en optant pour un bénéfice avec le forage de ressources récemment découvertes dans le Sahara.
L’économie du Qatar repose aussi sur une forte communauté de travailleurs immigrés, soumis à la « Kefala » (« soumission à l’employeur ») dont Amnesty international dénonce les milliers de morts inexpliqués Sans compter les zones d’ombre des circuits de financements accusés d’opacité par plusieurs ONG
DIVERSIFICATION ET AMBITIONS POLITIQUES
Face à cette menace de dépendance, le Qatar opte pour la diversification de son économie et de ses placements financiers en investissant les milliers de milliards de dollars qui découlent des bénéfices des hydrocarbures. Il investit dans plus de 40 pays et une Cinquantaine de secteurs différents : l’immobilier chinois, les terres soudanaises, le club de football français, le quartier d’affaire londonien, et sa propre compagnie aérienne, Qatar Airways, dotée de 230 appareils.
Plus que son économie, c’est sa politique qui témoigne de sa nouvelle volonté de se hisser au rang de puissance régionale, d’interface diplomatique mondiale et de développer son influence pour le rendre incontournable. Il crée d’abord la chaine de TV « al-Jazeera » en 1996, possiblement visible par 270 millions de téléspectateurs, qui soutient la chute des dictatures du monde arabe, offre les premiers débats libres du Moyen-Orient, et devient symbole de liberté de la presse aux yeux des occidentaux, à qui il montre pate blanche.
Le pays travaille ensuite son rôle de médiateur, sur la crise du Liban de 2008, entre l’Ethiopie et l’Erythrée, et implique sa compagnie aérienne dans les opérations d’évacuation en Afghanistan. Il organise notamment le sommet mondial annuel « Wise », sur l’éducation, organisée à Doha en se donnant les moyens de créer une « économie de savoir »
Au niveau régional, c’est d’abord l’Arabie Saoudite qui, par son imposant wahhabisme, accule le Qatar et le pousse trouver des alliés sur le plan politique (l’Egypte des Frères Musulmans, Tunisie, …). L’Iran, puissance régionale, finance également certains projets Qataris dans une logique d’affaiblissement des puissances du Golfe. Mais plus que tout autre pays, c’est le Qatar lui-même qui s’est rendu moteur de ce changement de cap : petit pays à la richesse exceptionnelle, ses capacités d’adaptation rapide lui permettent de s’assurer un futur stable et des sources de revenus diverses et plus sures.
La forte ambition de la famille Al Thani, qui dirige le pays depuis le 19ème siècle et dont l’héritier, Tamim est aujourd’hui au pouvoir, cherche à faire du Qatar un pays qui parle à tout le monde : aux Américains comme aux Talibans, aux iraniens, aux palestiniens, aux Européens et aux Chinois.
Le Qatar d’aujourd’hui exprime sa volonté et se donne les moyens de devenir le Genève de demain.